Florilège d’extraits du rapport de la cour des comptes d’Octobre 2023 sur “Les soutiens à l’éolien terrestre et maritime” par Mr Eric Sartori. Édifiant.
Lien vers le rapport.
Le rapport de 2018 avait eu un certain retentissement et provoqué la Commission Parlementaire d’enquête sur les ENR (Commission Aubert).
Le cru 2023 est aussi pas mal.
1) Fixation des objectifs ENR : de l’art de se tirer une balle dans le pied !
“Il faut noter que la France avait accepté des objectifs d’implantation des ENR plus ambitieux que ceux de la plupart des autres pays, alors même que son mix électrique est fortement décarboné et que le retard dans l’atteinte de ses objectifs n’est pas imputable au seul mix électrique, et notamment pas au seul secteur éolien.”
Effectivement, le but est la décarbonation et pas le % d’énergies variables intermittentes.
D’autant que ça ne va pas ensemble :
2) Aucun contrôle des comptes des parcs éoliens depuis 2013
« Malgré les recommandations des rapports précédents de la Cour, l’économie des parcs éoliens reste mal connue : depuis l’étude réalisée par la CRE en 2014, ni cette dernière, ni la DGEC, ni EDF OA, ni l’Ademe n’ont conduit d’analyses sur des données réelles et comptables provenant d’un échantillon suffisant de parcs. Aucun contrôle de l’administration sur les comptes des parcs éoliens aidés n’est intervenu durant la période contrôlée. »
Donc depuis 2013, ni la DGEC, ni EDF OA n’ont demandé une seule fois ses comptes à un parc éolien en exploitation » !!!!
3) Des éoliennes à moins de 500 mètres des habitations : pas de problèmes
« Dans une région comme la Bretagne, la règle des 500 mètres constitue un défi pour le renouvellement des premiers parcs mis en service entre 2000 et 2011. Dans le département du Finistère, par exemple, 83 % des éoliennes sont en deçà de 500 mètres des habitations et 55 % dans l’ensemble de la région Bretagne. »
Conclusion : Pour le renouvellement des parcs éoliens installés avant 2011, permettre de déroger à la règle de 500 mètres des habitations.
Ben oui, c’est plus simple comme ça !
4) La renégociation des tarifs de l’éolien en mer : « (…) le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi. » Sic !
Cette renégociation en 2018 des parcs éoliens en mer attribués avant 2014 « a eu pour contrepartie des concessions au profit des exploitants, dont les principales sont :
- La renonciation de l’Etat à percevoir des redevances d’occupation du domaine public ;
- La suppression de la part fixe dans la formule d’indexation du tarif, qui fait passer de 60 % à 100 % la part qui est indexée
- La prise en charge des coûts de raccordement par RTE
- La suppression dans les contrats de la clause de prévention d’une rentabilité excessive. »
Humour de la Cour (?) :
« Il n’est pas possible d’apprécier si leur effet sur le LCOE est inférieur ou supérieur à la baisse du tarif, autrement dit si les producteurs ont réellement fait des concessions… le bilan financier de la négociation ne peut toutefois être établi. »!
Pire pour le futur : « Deux concessions sont de nature à déséquilibrer dans le temps le résultat de cette négociation D’une part, l’indexation à 100 % du tarif, alors que plus de la moitié du LCOE résulte de l’investissement initial lequel n’est plus exposé à l’inflation une fois le parc construit, pourrait entraîner des rentabilités élevées, d’autre part, la suppression de la clause de prévention des surrentabilités (dites surcompensation) va être un obstacle à leur récupération par l’État.”
Donc cette renégociation des tarifs initiaux de l’éolien en mer, présentée comme une grande victoire par le gouvernement de l’époque ( on allait voir ce qu’on allait voir, on ne va quand même pas se laisser voler par les promoteurs éoliens…) était en fait un marché de dupes !
5) Eolien en mer : le soutien au raccordement au réseau : des charges croissantes à venir
L’autre grand cadeau, la gratuité du raccordement va aussi coûter bonbon :
« Les dépenses de raccordement des parcs éoliens en mer ont été jusqu’à présent assez limitées… du fait des délais de mise en service.
Elles ont atteint 28,6 M€ en 2019 et 170,4 M€ en 2020 et 244 M€ en 2021.
Elles devraient augmenter de façon importante dans les prochaines années.
L’estimation totale des coûts de raccordement pour les projets en cours et futurs est située dans une fourchette de 7,7 Md€ à 10,1 Md€ »
6) Avertissement de la Cour des Comptes à propos de l’éolien flottant : l’éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature
« L’éolien flottant ne constitue pas encore une technologie mature et n’a pas été encore déployé de façon industrielle bien qu’il existe à ce jour deux fermes commerciales flottantes, en Ecosse (30 MW) et en Norvège (56 MW). Des expérimentations ont donc été jugées nécessaires. »
« Les fermes pilotes bénéficient à ce titre d’aides à l’investissement dans le Programme d’investissements d’avenir à hauteur de 300 M€ dont une partie sous forme d’avances remboursables et d’une aide au fonctionnement (…).
Le tarif a été fixé par l’arrêté du 9 avril 2020 à 240 €/MWh.
(…) Ce dispositif de soutien est potentiellement très coûteux pour l’État. »
NB : non seulement ça, mais pourquoi alors se lancer dans des parcs industriels comme Bretagne Sud (60 éoliennes) compte-tenu de l’absence de maturité technique sans attendre le résultat des fermes pilotes ?
Sur l’absence de maturité de l’éolien flottant.
7) Eolien en mer et législation : toujours plus de facilités pour les promoteurs mais des actions restent possibles :
« La loi AER (article 56) prévoit que désormais, les projets éoliens offshore doivent s’établir prioritairement dans la ZEE. »
NB : c’est une simple recommandation, pas une obligation…
« La question de l’insertion paysagère des projets cristallise les oppositions locales et motive près de 70 % des recours. La loi AER introduit la notion d’effets de saturation visuelle parmi les éléments dont l’autorisation environnement doit tenir compte »
« Si des espèces protégées ou des espèces d’intérêt patrimonial sont identifiées dans la zone d’étude et si l’atteinte aux espèces protégées est suffisamment caractérisée, les porteurs de projet doivent obtenir une dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées. Selon les informations données par la DGPR, un nombre croissant d’autorisations sont attaquées sur la dérogation des espèces protégées et sont in fine annulées. »
Environ 20 % des parcs autorisés sur la période 2016/2018 ont fait l’objet d’une dérogation « espèces protégées »
Il est vraisemblable qu’au vu du renforcement de la jurisprudence, et du fait que le développement éolien concerne désormais davantage de sites à enjeux de biodiversité, ce pourcentage augmente très sensiblement ».
8) Des remarques cinglantes sur les fonds de développement territorial : « une vigilance doit accompagner tels dispositifs »
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